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Cancer et emploi : de la difficulté à construire l’après

31/01/2018

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Chaque jour en France, mille personnes apprennent qu’elles ont un cancer. La moitié d’entre elles ont moins de 65 ans et sont par conséquent considérés comme des actifs en situation de travailler. Dès lors, leur nouvelle réalité devient celle de l’entreprise et le drame individuel soulève des problématiques sociétales.

A l’occasion de la Journée mondiale contre le cancer (le 4 février), RECRUT fait le point sur l’impact de la maladie sur la vie professionnelle.

Guérir ou produire, il faut choisir

Triste banalité que celle du cancer, qui touche (ou a touché) plus de trois millions de personnes en France et s’immisce dans la vie de quelques 355 000 d’entre elles chaque année. En comptant par ricochet les proches touchés par la nouvelle, on peut estimer que la question nous concerne tous, à des degrés divers. Il est donc étonnant de constater à quel point elle constitue encore un tabou dans les entreprises, qui se montrent bien mal préparées à la maladie de leurs collaborateurs.  Si certains patients démissionnent afin de se concentrer sur leur traitement, nombreux sont les témoignages parlant de licenciement, sous prétexte que le calendrier des soins entrave celui de l’entreprise.

Selon les chiffres de l’Observatoire sociétal des cancers, seuls trois demandeurs d’emploi malades sur dix retrouvent un emploi dans les deux ans suivant le diagnostic (contre 43 % dans la population en général). Dans le même laps de temps, 30 % des malades en poste ont perdu leur emploi. Parmi ceux encore en entreprise, la moitié estime que la maladie a dégradé leurs conditions de travail et leur place dans l’entreprise ; un tiers regrettent n’avoir reçu aucune aide de la part de leur direction. La technique choisie par les employeurs semble donc être celle de l’évitement ; dans une société de la performance, le malade est perçu comme un élément perturbateur que l’entreprise n’a ni le temps ni les moyens d’attendre.

 

Moralité/efficacité : le dilemme des DRH

Etre viré pour cause de cancer, voilà qui ne semble ni juste ni solidaire. C’est pourtant une option tout à fait viable pour l’employeur, et même reconnue légalement par une décision de la Cours de Cassation qui stipule que le licenciement est causé « non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé » (Cass. soc. 13 mars 2001, n° 99-40110). L’entreprise a cependant pour obligation de tout tenter au préalable pour garder le salarié malade, que ce soit par la réorganisation des plannings ou le recours à des embauches en CDD (acceptables dans le cas d’un remplacement maladie).

Conscient de ces problématiques, l’Etat inclut actuellement dans le troisième volet de son Plan Cancer (2014-2019) la protection des parcours professionnels. L’objectif consiste à lutter contre l’éloignement de l’emploi, à mieux accompagner les indépendants et dirigeants (dans l’impossibilité de céder temporairement leur entreprise) et à sensibiliser les salariés et managers à la réalité de la maladie dans le quotidien au travail. D’ici 2020, les autorités compétentes espèrent ainsi augmenter de 50 % les chances de retour à l’emploi des patients dans les deux ans post-diagnostic. La charte « Cancer et emploi » a également été publiée par l’Institut national du cancer pour faire connaître des bonnes pratiques au sein des services RH, notamment pour préparer les retours des salariés malades.

Pour Géraldine L. Magnier, auteur du premier ouvrage sur le sujet*, le retour à l’emploi constitue une première étape d’accompagnement qui nécessite d’être prolongée à plus long terme. « Souvent, le retour se passe bien les premiers jours, voire les premiers mois, mais cela peut être compliqué sur les trois, six ou neuf mois suivants, quand les symptômes persistent, freinent la performance, créant des tensions avec l’employeur. » La problématique n’est donc pas seulement de renouer avec le travail mais de pérenniser celui-ci, un processus qui nécessite l’implication de tous les concernés.

 

Lire aussi : Les animaux de compagnie débarquent dans l'entreprise

 

« Non, non, rien n’a changé. Tout, tout a continué »

Il convient malgré tout de préciser que le tabou que représente le cancer en entreprise n’est pas à imputer aux seules directions et ressources humaines. Le salarié concerné lui-même entre, lors du diagnostic, dans une zone de flou dans laquelle, l’inquiétude aidant, il ne sait quelle posture adopter. « Lorsqu’ils apprennent qu’ils ont un cancer, les salariés n’osent pas forcément l’annoncer à leur employeur et restent ainsi seuls face à toutes les interrogations que suscite une telle annonce », explique Danielle Aubanel, vice-présidente de la Fondation GIMS (qui agit contre la souffrance au travail). Au-delà de la peur des conséquences, il y a aussi un refus intime. Celui de se voir malade dans les yeux des collègues, celui de s’entendre dire que l’on est plus tout à fait à même d’assurer les tâches quotidiennes. Le travail comme moyen de lutter contre l’emprise de la maladie.

La question centrale qui agite les actifs malades et les entreprises reste cependant celle du retour. Comment doit-il s’opérer compte tenu de la rupture que constitue la maladie ? Mise entre parenthèse pendant les semaines, mois ou même années nécessaires au traitement, la carrière connaît nécessairement des changements radicaux, qu’ils soient voulus ou subis par le salarié. En effet, une maladie grave permet de remettre à plat ses objectifs et ses envies, et donc de changer. De planning (par l’octroi d’un « mi-temps thérapeutique »), de poste, d’entreprise, voire de profession. Les témoignages sont donc nombreux qui font état d’une reconversion, généralement vers des secteurs plus tournés vers l’humain ou le social.

D’autres, en revanche, font « comme si » et refusent d’accepter l’inévitable rupture que constitue le cancer dans leur parcours personnel. Eux préfèrent y voir une simple pause et imaginent qu’il leur est possible de reprendre là même où ils avaient laissé leur travail. C’est surestimer et la bienveillance des collègues et leurs propres capacités physiques. Armé de la force de celui qui a vaincu la maladie, l’actif doit finalement prendre conscience que la vie de l’entreprise a continué sans lui, qu’il doit donc s’y refaire une place, et cela avec les capacités qui sont désormais les siennes et que limitent souvent les effets secondaires des traitements.

La Ligue contre le cancer évoque le retour au travail

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