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Populations LGBT : des salariés comme les autres ?

15/05/2017

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Des rues des grandes villes aux bancs de l’Assemblée, en passant par la grande scène de l’Eurovision, la question LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transgenres) s’est invitée sur toutes les tribunes au cours de l’ année 2014. L’occasion de dresser un bilan sur la façon cette thématique et perçue sur le lieu de travail.

 


Salarié LGBT, salarié comblé ?

Depuis 2001 et la loi 2001-1006, tout comportement discriminatoire en raison de l’orientation sexuelle est passible d’une condamnation. De plus, l’orientation sexuelle est mentionnée dans le Code Pénal (art. 225-1) et le Code du Travail (art. L.1133-5), protégeant ainsi les salariés LGBT contre tout traitement spécifique. Or, en 2010, près d’un homosexuel sur cinq qualifiait son lieu de travail d’« hostile » et seule une petite moitié d’entre eux y assumaient son orientation sexuelle (source : L’Autre Cercle).

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Alors que cette même loi française a reconnu à la population LGBT le droit d’être des époux et des familles à part entière, qu’en est-il sur le lieu de travail ?

Selon les chiffres fournis par le Baromètre de perception de l’égalité des chances en entreprise (MEDEF, 2014), l’orientation sexuelle des collaborateurs figure dans le top 3 des critères les moins discriminants, derrière le sexe mais devant la couleur de peau. Ils sont ainsi 90 % à juger qu’un employé LGBT pourrait être recruté dans leur entreprise, 87 % qu’il pourrait être mis au contact de la clientèle et 87 % qu’ils se verraient confier des postes à responsabilités. L’indice de fréquence de remarques homophobes perd quant à lui sept points en un an. Conséquence : seules 15 % des entreprises jugent la question prioritaire, tant elle n’est plus perçue comme source de discriminations. Une –presque– bonne nouvelle.

 

Sois gay mais tais-toi

On assiste donc a priori à une dilution de la problématique du genre et de la sexualité dans l’entreprise, ce que confirme le nombre toujours croissant d’organisations instaurant des politiques d’insertion des salariés LGBT ou signant la Charte d’Engagement proposée par l’association L’Autre Cercle.

Mais les données du même Baromètre montrent qu’un employé LGBT est d’autant plus intégré… qu’il n’est pas assumé ! A un collègue confessant son homosexualité, ils sont 32 % à conseiller de la cacher et 34 % à lui conseiller de n’en parler qu’à quelques collègues de confiance. Seuls 42 % des LGBT affichent leur sexualité ouvertement à l’intégralité de leur organisation, et près du quart disent changer de comportement entre leur vie privée et leur lieu de travail. La question de s’assumer ou non est très nettement liée à l’âge des salariés, les 21-25 ans et les plus de 65 ans se montrant les plus discrets sur le sujet. Cette prudence peut être liée à la précarité salariale de ces deux populations, qui comptent parmi les plus touchées par le chômage.

On est donc loin du « out and proud », du pied d’égalité prôné par la loi et les entreprises. Parler de son orientation sexuelle est considéré par les salariés comme le sujet le plus difficile à aborder en entreprise, loin derrière les problèmes de santé, les situations familiales difficiles ou même les convictions politiques. Ils ne sont ainsi que 11 % à considérer le sujet comme « très facile » à aborder. Il est intéressant de noter que, lorsqu’il s’agit de faire son coming out, il est plus facile de se confier à ses supérieurs hiérarchiques qu’à ses subordonnés (26 % contre 8,9 %). L’orientation sexuelle est donc perçue comme une entrave potentielle à la crédibilité de l’employé comme figure de l’autorité.

[Vidéo de Like Diversité]

La persistance de la petite phrase

Si les chiffres semblent indiquer une amélioration de la qualité de vie des salariés LGBT au travail, il convient de rester critique. En effet, 67 % des personnes interrogées avouent ne jamais réagir vis-à-vis des discriminations dont elles font l’objet. A cela plusieurs causes : la peur d’aggraver la situation, de dégrader l’ambiance au sein de l’équipe, le refus de faire son coming-out, mais surtout le manque de preuves. Car si les attaques « physiques » (vol, dégradation de matériel, etc.) existent, les populations LBGT doivent surtout faire face à une violence verbale, plus discrète et insidieuse. Moqueries, blagues salaces ou fondées sur des stéréotypes, rumeurs et outing font ainsi partie du quotidien de ces employés et les laissent d’autant plus démunis que ces attaques se font souvent sur le ton de l’humour. Les collègues voient donc peu la nécessité de défendre : 50 % des personnes sondées affirment qu’en cas de blagues homophobes, ils rient de bon cœur ou par peur de déplaire. Difficile, donc, de prouver ces agissements qui, le plus souvent ponctuels, minent le moral des salariés LGBT ; ils sont ainsi 23 % à confirmer que les difficultés rencontrées au travail les ont fait traverser une période de dépression.

Cet état de fait est plus ou moins prononcé selon le niveau d’études, le profil de la victime (les transgenres et lesbiennes restent les populations les plus sujettes aux attaques homophobes), la taille de l’entreprise (carton rouge aux structures de plus de 500 salariés) mais également –et surtout– son secteur d’activité. Ainsi, les actes homophobes sont particulièrement présents dans les administrations publiques (61,1 %) et l’éducation nationale (64,5 %), ce dernier chiffre soulignant de nouveau le lien entre orientation sexuelle et crédibilité de la figure de l’autorité. Dans le privé, ce sont les secteurs du commerce (25 %) et de l’hôtellerie-restauration (23,8 %) qui font figure de mauvais élèves. Pire encore, plus de 18 % des salariés LGBT interrogés reconnaissent s’être abstenus de répondre à une offre quand celle-ci concernait un secteur réputé difficile pour eux. Parmi eux : le BTP, l’armée, la police et les métiers industriels et techniques.

 

Lire aussi : Etude : les discriminations à l'embauche entravent la croissance du pays

 

Les petits riens qui changent tout

Et pourtant, dans la plupart des cas, une simple prise de conscience pourrait suffire à changer la donne. En effet, dans la mesure où ces agissements sont surtout le fait des collègues de travail (34,4 % des cas), le rôle des managers est déterminant pour instaurer une ambiance de travail agréable pour tous. Cette prise de conscience a conduit à de nombreuses initiatives, parmi lesquelles la création de la Charte d’engagement LGBT de l’Autre Cercle (fédération d’associations d’homosexuels en entreprise) à visée préventive et pédagogique, ou le guide Identité de genre et orientation sexuelle en entreprise publié par le MEDEF qui offre aux équipes dirigeantes des clefs pour agir concrètement. Et de rappeler les retombées positives d’une politique LGBT au sein de l’entreprise : « le fait de consacrer de l’énergie aux stratégies de dissimulation […] peut avoir un impact direct sur la performance du collaborateur en question ». La situation n’est donc pas bloquée ; il suffirait d’une simple prise de conscience managériale pour changer grandement les choses.

 

Pour en savoir plus :

Baromètre de perception de l’égalité des chances en entreprise (MEDEF, 2014)

La discrimination des collaborateurs-trices et agent-e-s LGBT : le monde du travail pas très gai.(Cédric Monserrat, ESSEC, 2014)

 

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