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Les « jobs à la con », le vrai mal du siècle

16/11/2020

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Du travail, on en a trop (burn out), on n’en a pas (chômage) ou pas assez (bore out).

C’est pourtant lui qui régule l’humeur d’une population, motive des inclinaisons politiques et cimente une société. Sauf que depuis un siècle, la technologie est venue menacer cet équilibre comme une boule sur une piste de bowling : à toute allure et avec l’intention de tout faire péter.

La machine peut aujourd’hui se charger de tâches traditionnellement dévolues à l’homme et il eût été aisé de s’en réjouir, d’y voir la disparition prochaine des emplois les plus répétitifs.

Ce n’est pas ce qui s’est produit, bien au contraire. Aujourd’hui, la tendance est à la multiplication des « jobs à la con ».

Bienvenue dans le travail du futur

Dans les années 30, l’économiste John Keynes prévoyait -dans une théorie digne d’un roman d’anticipation- que le développement technologique permettrait à des pays développés tels que les Etats-Unis et l’Angleterre d’instaurer une durée légale de travail de quinze heures hebdomadaires d’ici la fin du siècle.

En effet, les machines seraient alors à même de se charger des tâches répétitives, industrielles et à la chaîne qui constituaient alors le gros de la quantité de travail disponible. Le défi auquel se confronteraient les sociétés serait de répartir la somme restante entre la population active : moins de travail mais une démographie en constante croissance, la réduction du temps de travail semblait inéluctable.

La première partie de la prédiction semble s’être effectivement réalisée. Au cours du XXème siècle, les emplois industriels et agricoles ont été largement automatisés et leur nombre s’est réduit comme peau de chagrin. Les « employés de bureau », qui  pesaient un petit quart des effectifs mondiaux du temps de l’économiste, représentent plus de 75 % des jobs actuels.

Le niveau global de formation, quant à lui, augmente sans cesse. Emploi humanisé rime aujourd’hui avec complexité et valeur ajoutée, du moins sur le papier.

De l’art de brasser de l’air

Véritables bijoux d’imagination, les « jobs à la con » sont aussi nombreux que variés.

Souvent, ils sont désignés par le terme bien plus sympathique (bien que mystérieux) de « fonctions supports ». Les employés concernés remplissent des formulaires, établissent des process, servent d’intermédiaire entre des employés tout aussi privés de finalité qu’eux.

Leurs statuts  sont d’ailleurs aussi obscurs que leur utilité. En clair, le jargon, les acronymes, les intitulés de poste génériques en anglais et les piles de formulaires permettent de débusquer immanquablement les « bullshit jobs ».

Ceux-ci polluent les organigrammes, qui deviennent illisibles. La pyramide hiérarchique liait auparavant un niveau de diplôme à un niveau de responsabilités ; à l’heure du haut diplôme généralisé,  le sommet est contraint de s’élargir par la multiplication des managers intermédiaires. Les cadres sont ainsi grandement touchés par le désenchantement laboral.

Baisse de moral généralisé

Il serait faux, cependant, de s’appuyer sur le profil anarchiste de l’essayiste pour conclure à une simple remise au goût du jour de la lutte des classes : le sommet contre la base, les managers contre les salariés, les services contre les professions manuelles. « Ai-je un job à la con ? »

Pour David Graeber, c’est l’individu lui-même qui est le plus à même de répondre à cette question. S’interroger sur la finalité de son emploi, être convaincu que l’entreprise tournerait tout aussi bien sans votre poste ou ressentir une gêne à l’heure de décrire vos missions en soirée sont autant de signes qui traduisent un malaise autour de votre fonction. Les conséquences néfastes des « jobs à la con » s’observent donc non pas à l’échelle de la communauté (entreprise, société), mais des individus qui sont de plus en plus nombreux à souffrir du mal-être au travail.

Ce dernier s’exprime principalement par l’incontournable burn out ou le plus récent bore out (déprime liée à une sous-activité ou une surqualification du salarié pour son poste).

Cependant, un autre type de mal laboral fait désormais parler de lui : le brown out. Terme électrique signifiant « baisse de tension », il doit son apparition au livre de deux chercheurs, Mats Alvesson et Andre Spicer. Les salariés atteints de brown out  multiplient les réunions et les rendus, ont une situation et un salaire acceptables, mais peinent à trouver leur place dans l’entreprise.

Leurs actions, leur poste, leur présence même leur semble profondément inutiles. «Il y a une classe entière de salariés qui, quand vous les rencontrez à des soirées et leur expliquez que vous faites quelque chose qui peut être considéré comme intéressant, éviteront de discuter de leur propre métier.

Mais offrez-leur quelques verres et ils se lanceront dans des tirades expliquant à quel point leur métier est stupide et inutile», Pour les employés démotivés, la seule solution semble d’entreprendre un parcours de reconversion .

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