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Fait religieux au travail : vers un principe général de neutralité ?

30/06/2016

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La religion envahit l’actualité et le débat publique. Sans surprise, l’entreprise n’y échappe pas : 23 % des actifs français se disent d’ailleurs confrontés à la question religieuse dans leur entreprise (contre 12 % seulement en 2014). Dans ce contexte d’incertitudes et de tensions, la version initiale de la Loi Travail a jeté de l’huile sur le feu par son article 6*, qui fut accusé de valider l’existence de communautarismes sur le lieu de travail. A tort : les préconisations énoncées découlent de la jurisprudence et donc déjà en vigueur aujourd’hui.  Cette polémique témoigne cependant de la sensibilité du sujet.

 

Un traitement au cas par cas

Aujourd’hui, il n’existe pas d’article dans le Code du Travail régissant le traitement de la question religieuse dans la vie professionnelle. Les juristes et avocats spécialisés fondent donc leurs analyses sur un certain nombre de jurisprudences et textes universels (Constitution de 1958, Déclaration Européenne des Droits de l’Homme).Ce traitement des conflits se fait au cas par cas, les obligations de chacun variant beaucoup d’un secteur à l’autre.

Dans le public, les conflits furent rares. A la liberté des usagers d’exprimer leur sentiment religieux s’oppose la neutralité de l’agent, nécessaire et absolue en ce qu’il représente l’Etat dans toute sa laïcité. Au-delà de cet impératif indiscutable, la loi garantit aux agents du public (comme aux autres) le droit à la liberté de conscience et la protection contre la discrimination religieuse sur le lieu de travail.  

Parce qu’elle n’est pas soumis à l’impératif de neutralité de l’Etat, l’entreprise privée constitue un terreau favorable aux conflits religieux. A la laïcité du public, le privé oppose la liberté religieuse, limitée uniquement par la jurisprudence. Celle-ci s’articule autour de deux principes : l’abus du droit (prosélytisme, notamment) et les restrictions liées à la nature des missions. Autrement dit, l’employeur peut interdire à un employé le port d’un signe religion si celui-ci pose des soucis d’hygiène ou de sécurité (Délibération Halde 2009-117 du 6 /042009 n° 41).C’est exactement ce qu’exprime le fameux article 6 de la Loi Travail*.

 

Vers une uniformisation des règles ?

La jurisprudence semble cependant évoluer vers une primauté de la neutralité dans le privé comme dans le public. Ainsi, l’affaire dit « Baby Loup » a conduit la Cour d’Appel de Paris à établir une hiérarchie des normes dans laquelle prime le règlement intérieur de l’entreprise. Si celui-ci stipule la volonté de l’entreprise d’être neutre sur le plan religieux, alors le salarié doit se plier à cet impératif. L’interdiction n’est pas perçue comme une discrimination dans la mesure où elle s’applique sans distinction à toutes les croyances.

On assiste donc à un changement de paradigme pour les entreprises privées : d’une approche restrictive (liberté religieuse tempérée par la jurisprudence), on passe à l’instauration d’un principe positif (neutralité générale). Les professionnels du droit social attendent désormais les conclusions de la CJUE (Cour de Justice européenne) sur une affaire belge aux enjeux similaires : après trois ans de services en tant que réceptionniste dans une boîte de services de sécurité, Mme Samira Achbita commence à porter le voile et est licenciée pour cela. La justice belge a pour le moment donné raison l’entreprise, pour les mêmes raisons de neutralité stipulée dans le règlement intérieur.




* « La liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché. »

[Merci au cabinet KGA Avocats pour la présentation]

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