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Beauté, alternance et galère…

02/09/2005

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Florence a 20 ans. Son rêve : devenir esthéticienne. Si elle n’a eu aucun problème pour trouver un centre de formation, convaincre un institut de beauté de la recruter en alternance relève, en revanche, de l’épreuve initiatique. Rencontre le 5 août.

 

Quel a été votre parcours et que vous arrive-t-il aujourd’hui ?

J’ai toujours aimé l’esthétique mais malheureusement, j’ai perdu du temps. A la fin de la troisième au lycée, je savais déjà que je voulais trouver un métier en rapport avec cette passion mais j’ai été mal orientée.

Faire du bien aux gens, m’occuper d’eux, les bichonner, c’était mon truc ! Je me suis retrouvée en seconde méthodologique pour voir si je pouvais passer un bac généraliste. A la fin de l’année, il était clair que je n’y arriverai pas et on m’a orienté sur un BEP tertiaire dans un lycée professionnel.

J’ai donc fait mes deux années de BEP mais les matières ne me plaisaient pas du tout. La vente, le secrétariat, l’informatique, la comptabilité… c’était atroce d’autant plus que les professeurs prenaient un malin plaisir à nous humilier. Bref, je n’apprenais pas mes leçons et n’ai pas eu l’examen.

J’avais 18 ans. Comme je n’avais pas laissé tomber l’idée de trouver un débouché dans l’esthétique, j’ai trouvé une école de parfumerie à Boulogne où je me suis inscrite en août 2003 pour passer un BP de vente en parfumerie en alternance. J’étais très contente.

L’école devait me trouver une enseigne pour la partie pratique de la formation, moi, je n’avais pas le droit de chercher. Bizarre, non ?

Quand septembre est arrivé, j’étais toujours sans nouvelles de l’école alors que la rentrée était imminente. Inquiète, je les ai appelés.

Ils ont eu l’air très surpris : ils m’avaient soi-disant envoyé un courrier pour me dire qu’ils n’avaient pas pu me trouver d’entreprise d’accueil et que donc je devais renoncer à préparer mon BP.

J’étais terriblement déçue, et parce que je me retrouvais sans rien et parce que l’école avait totalement manqué de correction – ou, tout au moins, de rigueur.

J’ai alors enchaîné les petits boulots jusqu’en mars 2005 pour gagner un peu d’argent. Pendant un an et demi, j’ai travaillé comme vendeuse chez Zara, chez Caroll, en boulangerie, dans un magasin de décoration, j’ai fait des baby-sittings…

Mais cela ne me rendait pas heureuse. J’ai eu un déclic et j’ai décidé de prendre ma vie en main. Il fallait à tout prix que j’essaye de faire ce qu’il fallait pour pouvoir gagner ma vie avec ce qui me passionnait… l’esthétique !

En mars 2005, j’ai donc décidé de mettre tout en œuvre pour démarrer un CAP d’esthéticienne en alternance à la rentrée de septembre.

Pourquoi l’alternance ? Parce que sinon l’année d’études vous coûte

2000 à 3000 euros sans compter la mallette d’esthéticienne que vous devez aussi acheter. Ma première expérience m’avait appris qu’il ne suffisait pas de trouver un centre de formation qui vous accepte ; j’ai donc commencé par chercher un institut de beauté.

Et j’ai trouvé, toute seule comme une grande ! Il ne restait plus qu’à trouver l’école.

En avril, je suis donc allée voir un centre de formation qui présentait l’avantage d’être à côté de chez moi.

Je les connaissais déjà parce que j’avais assisté à leurs journées « portes ouvertes » un an plus tôt, alors que je travaillais en boulangerie.

Je n’avais pas donné suite parce que je les avais trouvés un peu trop sévères… Je n’étais peut être pas encore prête ! En tout cas, un an après, je l’étais ! J’ai passé un entretien avec la directrice de leur département alternance à qui j’ai raconté que j’avais trouvé mon entreprise d’accueil.

Ma candidature a été acceptée. J’étais tellement heureuse : j’avais l’entreprise ET l’école ! Malheureusement l’institut est revenu sur sa parole (« Ah, non! Nous avons encore d’autres filles à voir ! »).

J’étais écœurée, d’autant plus que ce revirement me mettait dans une situation délicate vis-à-vis de l’école. Nous étions en avril, il me restait encore du temps pour trouver un autre institut mais les règles étaient claires : si je ne trouvais pas d’institut de beauté qui m’accepte à la rentrée, je me retrouverai dans l’impossibilité de débuter mon CAP.

Comment menez-vous vos recherches et votre école vous aide-t-elle ?

L’école est très sérieuse ; elle travaille avec 400 entreprises partenaires.

Depuis le mois d’avril, j’ai dû passer au moins 20 à 25 entretiens avec des responsables de centres de beauté ou d’esthétique. L’école m’a obtenu environ la moitié de ces rendez-vous. L’autre moitié, c’est moi qui les ai trouvés, en cherchant dans l’annuaire.

Comment se sont passées ces rencontres ?

Pour l’instant, malheureusement, aucun entretien n’a abouti. J’en ai vu de toutes les couleurs. Comme, par exemple, le premier contact que j’ai eu grâce à l’école et qui s’annonçait plutôt bien.

Il s’agissait d’un institut de beauté situé dans le XVIe arrondissement. La responsable voulait que je fasse une période d’essai de trois jours dans son institut afin d’être en mesure de décider de si oui ou non elle signerait un contrat avec moi. A la fin du troisième jour, elle m’a demandé de revenir le lendemain, toujours à l’essai ! Je suis donc revenue travailler un quatrième jour, toujours gratuitement.

Le soir de ce quatrième jour, elle m’a encore demandé de revenir le lendemain !

J’ai appelé l’école pour leur demander conseil, ils m’ont dit de refuser. La période d’essai avait été fixée à trois jours, j’en avais fait quatre, cela suffisait comme cela !

Mais la responsable de l’institut ne s’est pas démontée pour autant : elle m’a proposé de travailler chez elle en juin et en juillet pour 300 euros en tout et pour tout.

J’étais embêtée parce que l’école organisait une formation de trois semaines en juillet que je voulais suivre. D’un autre côté, il était évident que je serai également formée en travaillant dans cet institut pendant deux mois et que j’aurai plus de chances d’y être engagée en alternance si j’acceptais cette proposition. J’ai donc demandé à cette femme si mon acceptation impliquerait qu’elle puisse s’engager à me recruter en alternance en septembre, ce à quoi elle m’a répondu que, non, elle ne pouvait en être certaine. J’ai rappelé l’école qui m’a conseillé de refuser.

Il y a aussi les entretiens où l’on se méprend sur votre personnalité comme celui que j’ai passé et qui n’a rien donné parce que la responsable trouvait que j’étais trop « molle ». Je n’en revenais pas !

Molle ? Moi ? Si être attentive, c’est faire preuve de mollesse, c’est vraiment n’importe quoi !

Et puis, sinon, il y a les entretiens qui se passent bien, où l’on est super emballé parce que l’établissement vous séduit et que les responsables  sont sympathiques. Cela m’est arrivé fin juillet. Terriblement motivée, j’ai été reçue pour un second entretien, ce qui était très positif.

Le problème… c’est que je ne suis pas la seule à chercher ! Le directeur a été très franc avec moi : il m’appréciait beaucoup mais deux autres filles étaient en compétition avec moi et la décision allait être difficile à prendre. Il devait me rappeler mais je n’ai pas eu de nouvelles.

Et quand, moi, j’ai appelé, j’ai appris que je n’étais pas l’heureuse élue…

Et puis, il y a tous les entretiens que vous passez, pour lesquels vous vous investissez, qui vous font espérer encore et encore, et l’attente, terrible et vaine, avec des responsables d’instituts de beauté qui ne vous appellent pas pour vous donner leur réponse.

Votre école vous a proposé de suivre une formation de trois semaines en juillet, racontez-nous.

En effet, l’école proposait à ses élèves qui le souhaitaient une formation de trois semaines en juillet, six heures par jour.

L’idée était de nous permettre de maîtriser les bases du métier d’esthéticienne pour être plus opérationnelles en septembre quand nous commencerions notre CAP. Car nous sommes de vraies de débutantes, il ne faut pas l’oublier. Ces trois semaines coûtaient 300 euros, c’est beaucoup d’argent mais mes parents étaient d’accord pour m’aider.

J’ai de la chance, ils sont vraiment là pour me soutenir et m’aider à ne pas me décourager. Nous devions donner un chèque à l’école qui ne l’encaisse pas tout de suite. Si je trouve un institut de beauté qui m’engage, c’est l’institut qui paiera les 300 euros, sinon… le chèque sera débité. C’est un risque à prendre.

Et encore car, de toute façon, ces trois semaines m’ont énormément apporté, j’ai beaucoup appris.

Manucure, épilation, maquillage, communication orale, reconnaître le type de peau des clientes pour leur proposer des soins adaptés… C’était la première fois que je découvrais réellement le métier. J’ai été confortée dans mon choix professionnel à 100 %, je suis faite pour cela ! Nous étions trente au début et treize à la fin ! Cette expérience est utile pour tout le monde : pour les filles comme pour l’école : certaines se sont très vite rendues compte que le métier d’esthéticienne n’était par pour elles, d’autres, pour X ou Y raisons, faisaient carrément n’importe quoi.

Ce stage m’a également rapproché de la directrice de l’école qui a pu constater ma motivation et mon application.

Et j’ai un petit diplôme qui atteste de ces trois semaines de formation : un plus pour aider à convaincre un employeur de me recruter en alternance.

Comment expliquez-vous ces difficultés à trouver une entreprise d’accueil ?

Je soigne toujours ma présentation, ma coiffure, mon maquillage, et puis… je suis élégante ! Certes, je n’ai que trois semaines d’expérience mais puisque je cherche à faire un CAP, il est évident que je ne peux pas déjà maîtriser le métier d’esthéticienne. Je ne pense donc pas, et cela sans aucune prétention, que ma personnalité ou mon image soient la cause de ces rejets.

A bien y réfléchir, mon âge peut être un problème. Certains instituts m’ont, en effet, dit que « l’on ne prenait pas ceux qui ont 20 ans » : ils coûtent plus cher ! Sinon, les difficultés que je rencontre sont, à mon avis, liées au fait que les employeurs n’ont plus confiance.

Beaucoup de jeunes les ont déçus : soit parce qu’ils manquaient de rigueur, soit parce qu’ils leur volaient des crèmes, par exemple.

Et puis, bien sûr, il y a les contraintes économiques : beaucoup préfèrent signer un contrat en alternance avec des filles qui préparent un BP : elles ont plus d’expérience et sont donc moins longues à former que celles qui optent pour un CAP. D’autre  part, évidemment, tous les instituts de beauté ne recrutent pas : vous entendez souvent que l’équipe est au complet.

Même si les hommes aussi se font pouponnés aujourd’hui, l’esthétique est peut être un secteur bouché pour les CAP.

Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous aujourd’hui?

J’ai un autre entretien tout à l’heure et je pars en vacances avec mes parents demain, mais à la campagne pour pouvoir sauter dans un train si on m’appelle pour me proposerun entretien. Mon objectif n’a pas changé : je veux apprendre le métier d’esthéticienne mais je suis parfois un peu découragée devant les difficultés que je rencontre. Je m’angoisse pas mal en pensant à la rentrée de septembre : sans entreprise d’accueil, je ne pourrai pas préparer mon CAP et je courrai le risque de perdre encore une année.

Mais… je vais y arriver : je suis une battante !

Avez-vous envisagé une porte de sortie au cas où vous n’ayez pas trouvé d’institut début septembre ?

Je compte réfléchir à cela pendant mes vacances. Si je ne trouve pas d’institut de beauté, j’aurai en tout cas vraiment essayé. Et je penserai  que ce domaine d’activité qui me convient pourtant tellement est sans doute bouché pour les CAP.

Je ne suis pas sûre qu’il soit raisonnable de reprendre les petits boulots tout en continuant à chercher un institut qui veuille bien m’accepter pour faire mon CAP l’année d’après. Il faudra peut-être que je change d’orientation. J’adore m’occuper des bébés et des enfants. Je serai très heureuse aussi de faire un métier qui me permette de m’occuper d’eux. Je pourrai préparer un CAP petite enfance, par exemple.

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